Révision du Code du travail, de l’école, de la fiscalité locale…, Michèle Tabarot, Député des Alpes-Maritimes, revient sur les réformes entreprises par Emmanuel Macron depuis le début de son mandat et sur le grand débat censé recueillir la parole citoyenne sur le terrain et le rapprocher des territoires et des élus ruraux. Elle aborde également les enjeux des élections européennes de 2019, en défendant l’idée d’une Europe qui protège.
Réformes de l’école, du travail, des institutions… Que pensez-vous des réformes engagées par le président de la République ? Sont-elles à la hauteur des enjeux ?
Il y a effectivement beaucoup de réformes annoncées mais finalement bien peu ont pour l’heure pu être véritablement menées à leur terme.
La réforme du code du travail a été timide mais elle va sans doute dans le bon sens et je l’ai votée, contrairement à la réforme de la Justice qui menace le maintien d’une justice de proximité et l’autonomie de certaines juridictions.
Nous sommes dans l’attente des choix qui seront faits pour certains chantiers majeurs sur l’emploi, les institutions, la fonction publique, les retraites…. Tout cela a été retardé par les circonstances mais ce sont des débats que les Français et les élus attendent avec impatience.
La décision de M. Macron de supprimer la taxe d’habitation a surpris les élus locaux de tout bord politique. Comment avez-vous réagi à cette réforme ?
Cette décision a été abrupte et soudaine. Elle aurait dû être concertée et non pas imposée comme cela a été le cas. Elle a ouvert une grande période d’incertitude pour les collectivités locales.
Nous ne savons toujours pas comment la perte financière sera compensée. Il est urgent que le gouvernement apporte des réponses précises à ce sujet.
Tout cela participe malheureusement à nos inquiétudes concernant l’avenir de la décentralisation. Les maires voient leur pouvoir s’amoindrir en même temps que leurs responsabilités augmentent.
La remise en cause de leur autonomie fiscale vient confirmer cet état de fait et je souhaite que la suppression de la taxe d’habitation soit compensée par une ressource propre et dynamique qui viendrait rassurer les élus locaux sur l’avenir de leurs collectivités.
À l’occasion du grand débat, le président de la République est allé à la rencontre des élus ruraux. Pensez-vous qu’il ait pris la juste mesure de leur amertume ?
La crise des gilets jaunes aura en tout cas permis au Chef de l’Etat de prendre conscience de l’utilité et de l’importance des élus locaux. Il a peut-être eu tendance à un peu trop les négliger au début de son mandat. Il a aujourd’hui besoin d’eux pour apaiser les Français.
Les élus locaux sont les premiers maillons de la démocratie et sont au contact direct de la population.
La crise des « gilets jaunes » aura en tout cas permis au Chef de l’État de prendre conscience de l’utilité et de l’importance des élus locaux… |
C’est encore plus vrai pour les communes rurales où ils sont souvent les seuls représentants de la puissance publique.
La ruralité a depuis des années un sentiment d’abandon notamment avec l’éloignement des services publics. Ils subissent aussi plus fortement que d’autres les hausses de taxes sur l’essence.
Il faut écouter ce que les élus des communes rurales ont à dire car ils représentent une part importante de la France. J’espère que l’exécutif est effectivement vraiment déterminé à renouer durablement les fils du dialogue avec eux.
Comment interprétez-vous le mouvement des Gilets jaunes ?
Il faut revenir aux racines du mouvement. A l’origine c’est l’expression légitime du ras-le-bol fiscal ressenti par beaucoup de Français.
Malheureusement la violence a pris le dessus et le message est désormais brouillé. La haine y a trouvé un terrain d’expression et des groupes radicalisés qui veulent remettre en cause les fondements même de notre démocratie noyautent désormais le mouvement.
C’est une dérive qui n’est pas acceptable et que je dénonce en réaffirmant mon soutien aux maires, aux commerçants et aux entreprises des villes qui sont touchées et pénalisées par la durée du mouvement.
Nous allons suivre avec attention les annonces que le Chef de l’Etat a promis de faire en espérant qu’il ne se trompera pas d’objectif. La priorité c’est bien de répondre au désir des Français d’avoir plus de pouvoir d’achat, moins d’impôts et moins de dépense publique.
Ici encore, j’espère que la majorité va réellement écouter les élus locaux qui ont fait remonter des propositions directement inspirées par ce que les Français leur ont dit dans leurs communes.
À propos des élections européennes, dans sa lettre aux “citoyens d’Europe”, Emmanuel Macron détaille les projets qu’il compte défendre pour les européennes. Vont-ils dans le sens des préoccupations des Français ?
En matière d’Europe, les Républicains défendent une voie médiane entre ceux qui rejettent l’Europe et ceux qui pensent que la seule réponse possible est de l’approfondir, y compris dans les secteurs où elle ne fonctionne pas.
La troisième voie c’est celle du pragmatisme. Il faut effectivement plus d’Europe là où elle est utile mais aussi moins d’Europe dans les secteurs où elle n’apporte pas de bénéfice réel.
L’Europe des normes et des contraintes, ce n’est pas ce que nos concitoyens attendent. Ils réclament en réalité une Europe qui protège, capable de relever les défis de notre temps. Je crois beaucoup dans cette idée.
L’Europe doit promouvoir une capacité de défense commune, développer son autonomie stratégique, soutenir l’investissement des États mais aussi être en mesure de mieux protéger l’épargne des particuliers… |
L’Europe doit se recentrer. Promouvoir une capacité de défense commune, développer son autonomie stratégique, soutenir l’investissement des états mais aussi être en mesure de mieux protéger l’épargne des particuliers.
Une Europe qui protège c’est aussi celle qui sera capable d’apporter des réponses efficaces à la crise migratoire en renforçant les contrôles aux frontières par exemple.
C’est à ce prix que l’Europe pourra se relégitimer aux yeux de nos compatriotes qui restent très attachés à la construction européenne mais ne se reconnaissent pas forcément dans son fonctionnement actuel.